NOEL 2022
Chers Amis,
Quelle lecture surprenante et particulière que ce prologue de Jean pour un matin de Noël. Avec ce 4ème Evangile, pas de récits de la naissance de Jésus, pas de bergers, pas de visites des mages, pas d’étables et de mangeoires.
Pourtant, ce texte qui introduit l’Evangile johannique nous dit des choses essentielles sur Jésus, sur sa venue, sur sa mission.
Des mots importants reviennent en boucle et ils peuvent nous accompagner pour ce jour de fête.
« Au commencement était la Parole » ; d’autres traductions disent « Au commencement était le Verbe ». Deux mots pour le Logos qui signifient que le Dieu du 4ème Evangile décide de se manifester à l’humanité sous la forme d’une Parole incarnée et intelligible, compréhensible par tous.
Cette Parole primordiale peut être reliée aux tous premiers mots de l’Ancien Testament dans le livre de la Genèse, souvenons-nous : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre » puis un peu plus loin, Dieu dit : « Qu’il y ait la lumière », « Que la terre produise des êtres vivants », « Faisons les êtres humains à notre image », etc…
Le prologue de Jean est justement là pour nous rappeler qu’avec Jésus-Christ, le monde, la création et les humains qui la peuplent et l’habitent sont rentrés dans une nouvelle ère.
Au lieu d’un récit de Noël, nous découvrons ce matin un texte qui parle d’une création nouvelle, une création souhaitée par Dieu mais qu’Il a voulu de toute éternité.
Soyons comme des enfants ce matin ; accueillons avec joie et simplicité ce message : cette Parole, ce Logos qui vient de Dieu nous apporte la lumière. Comme c’est étrange, une Parole qui éclaire ! Une lumière qui brille dans les ténèbres. C’est pourtant exactement ce que nous dit Jean dans ce prologue à la fois si mystérieux et si poétique.
Les ténèbres, nous connaissons, nous savons ce que c’est. Les recoins sombres de nos vies, les regards négatifs ou envieux sur nos prochains, la folie destructrice dont savent souvent faire preuve les hommes ; nous en avons des exemples dans l’histoire récente jusqu’à aujourd’hui.
Jésus qui est présenté comme la Parole faite chair est également le symbole de la sagesse incarnée, celle d’un Dieu qui se fait homme par amour et pour le salut de tous.
Comment prendre la mesure de ce que la naissance de Jésus signifie dans nos vies à travers ce texte à la fois extraordinaire et complexe, qui introduit l’Evangile de Jean ?
Peut-être en gardant dans nos cœurs, les récits de la Nativité à Bethléem mais en n’oubliant pas que l’enfant de Marie et Joseph n’est pas seulement un petit d’homme mais qu’il est aussi, comme Jean le présente, l’incarnation de la Parole, une Parole créatrice qui existe depuis toujours.
Un moine, chrétien orthodoxe égyptien qui vécut au XXème siècle, Matta El-Maskin relève fort justement que si les Evangiles de Matthieu et de Luc racontent une naissance humaine qui s’est produite dans l’histoire, Jean la resitue dans un contexte divin qui la transcende totalement.
Il écrit également ceci : « Au cœur même de l’Evangile, nous percevons ainsi combien l’histoire et l’éternité sont mêlées d’une façon merveilleuse, qui dépasse toute intelligence. Car l’histoire est et reste toujours l’histoire : elle ne relate que des événements passés, révolus, « morts » en quelque sorte, en en précisant le jour, le mois, l’année. Il a toujours été impossible d’imaginer que l’histoire et l’éternité se rejoindraient un jour. Et voici que maintenant, l’histoire se dresse en la personne de Jésus-Christ, vivante et vivifiante, efficace et dominant tout. »
Je crois que ce sage théologien égyptien a parfaitement raison. A Noël, un simple fait historique, foncièrement banal, la naissance d’un enfant rejoint de façon éternelle notre présent de disciple, ici à Tonneins et dans tous les temples et Eglises de la planète.
Il en sera de même pour toute la vie de cet enfant Jésus dont nous fêtons la naissance aujourd’hui. En actualisant en permanence les événements marquants de sa vie, baptême, dernier repas pris avec les disciples, condamnation et crucifixion, puis résurrection, nous affirmons notre foi en ce Sauveur dont la Parole est lumière, vie et espérance.
Dans l’Evangile de Jean, Jésus n’est pas présenté comme un homme remarquable par sa conception et sa naissance extraordinaire ; il est Dieu Lui-même. Un Dieu qui a tout créé, un Dieu Fils unique et totalement uni au Père.
Il n’y a pas de contradictions avec les autres Evangiles ; il y a plutôt une complémentarité, un éclairage différent sur ce que Jean affirme être l’existence profonde et totale du Christ, à savoir être une lumière pour tous les humains.
Dans nos climats tempérés et dans l’hémisphère nord, Noël tombe au cœur de l’hiver et dans la période du solstice, quand les jours sont les plus courts. Plus on monte vers le nord et plus les nuits sont longues.
Nous sommes à même de mesurer l’importance de la lumière pour nous éviter les mauvaises chutes au dehors, éclairer nos veillées hivernales durant les longues soirées.
La métaphore d’un Jésus qui vient illuminer à Noël nos nuits, nos chemins sombres et nos impasses s’impose à nous chrétiens comme une évidence.
On peut penser à ce cantique de l’Avent qui dit : « Toi qui es lumière, toi qui es l’amour, mets dans nos ténèbres, ton Esprit d’amour. » Vous le connaissez bien, nous l’avons chanté il y a une semaine.
Notre monde a terriblement besoin de lueurs, lueurs d’espoir, d’espérance, lueurs données par des gestes de solidarité et d’amitié.
Nous pouvons penser aujourd’hui au peuple ukrainien, victime de bombardements consciencieux dont le but et de détruire tous les réseaux électriques et qui doit affronter un hiver traditionnellement glacial.
Plus proches de nous des camps de migrants en Grèce, en Italie mais aussi en France à Grande Synthe ou sous le métro parisien voient des hommes, des femmes et des enfants affronter les rigueurs de l’hiver dans l’indifférence et un aveuglement volontaire de nos responsables et dirigeants.
La lumière du Christ, de l’enfant de Bethléem cohabite avec les ténèbres, avec le mal qui peut prendre de multiples formes et de multiples noms : égoïsme, mépris, racisme ou rejet de l’autre.
N’oublions pas, en ce jour joyeux et heureux que la lumière de Noël ne brille par pour tous.
N’oublions pas également que comme Jean-Baptiste, des témoins de la lumière s’exposent. Nous savons en effet que dans certains pays, fêter les fêtes chrétiennes implique de prendre des risques. Nous pouvons penser particulièrement au peuple arménien pris en tenaille entre une Turquie et un Azerbaïdjan très agressif et une Russie indifférente accaparée par sa guerre en Ukraine.
Dans nos ténèbres, la naissance et la gloire du Fils unique du Père sont un message de paix. Cette paix, on aimerait qu’elle soit une réalité pour les pays en guerre et les zones de conflit ; on aimerait aussi qu’elle soit un temps de réconciliation pour les familles désunies, pour les cœurs déboussolés.
Ce Noël 2022 peut être un nouveau départ, un nouveau commencement pour nous aussi. Nous pourrions alors découvrir qu’au commencement de ce Noël d’aujourd’hui était la Parole, une Parole qui nous éclaire, qui nous fait naître et renaître à nouveau, qui nous fait mourir à tout ce qui nous encombre et nous écrase.
Cette Parole que Jésus va incarner nous donne la plénitude et grâce sur grâce écrit Jean.
Dieu se révèle à Noël en la personne d’un nourrisson dont la vie et le parcours vont nous permettre de découvrir l’immense amour du Père et la compassion du Fils.
Les hommes n’avaient pas rêvé d’un tel Dieu. Ils l’imaginaient puissant, reconnu par les grands de ce monde, autoritaire et scrupuleusement servi et obéi.
En ce jour de fête, accueillons Jésus avec joie, lui qui se fait le serviteur de tous, dans nos foyers, dans nos familles, dans notre Eglise et dans notre monde.
L’Evangile de Jean nous le dit simplement : en recevant chez nous, en nous cette Parole de vie, en mettant notre foi dans le nom de Jésus-Christ, nous devenons aussi enfants de Dieu. Amen