Ephésiens 5/8 à 14
Chers frères et sœurs,
L’auteur de l’Epître aux Ephésiens, très probablement un disciple de l’apôtre Paul, adresse à la communauté à laquelle il écrit, un message simple : « La vie du chrétien est un passage permanent des ténèbres à la lumière ».
Nous verrons dans une première partie que cheminer avec le Christ peut effectivement nous mener de l’obscurité et de l’ombre à des jours plus lumineux.
Nous verrons ensuite qu’être éclairés par sa présence ne doit pas être source de crainte mais plutôt de confiance, une confiance qui nous met en marche et qui nous permet de sortir de nos endormissements.
En constatant que notre monde reste en bien des endroits et bien des circonstances dans les ténèbres et dans la nuit noire, nous observerons que le message de l’Epître reste totalement valable pour notre monde contemporain.
En un premier temps, relevons que l’opposition entre la lumière et les ténèbres est fréquente dans la Bible.
Ainsi, dans l’Evangile de Jean, un dialogue nous est rapporté entre Jésus et Nicodème ; ce dernier est un pharisien qui est venu voir le Seigneur de nuit pour le questionner ; a-t-il honte de sa démarche ? Veut-il se cacher ? Jésus lui dit : « Et voici le jugement : la lumière est venue dans le monde et les humains ont aimé les ténèbres plus que la lumière parce que leurs œuvres étaient mauvaises » (Jean 3/19).
Dans nos vies personnelles, il y a bien souvent un avant et un après notre rencontre avec le Seigneur.
Avec le recul du temps, nous découvrons qu’au cœur de nos nuits, de nos souffrances et de nos épreuves, Il était cependant présent, fragile lueur, petite flamme qui nous permettait de ne pas céder totalement au découragement et au désespoir.
Lorsque Christ entre dans nos vies, ces dernières prennent sens, elles ont une direction, un but, une espérance même si, illuminés par sa présence, il peut nous arriver de traverser de sombres ravins.
Le paradoxe suivant est intéressant à relever : la lumière est toujours plus forte que les ténèbres ; elle les éclaire, tandis que les ténèbres ne peuvent en aucun cas la faire disparaître.
Au temps de Jésus, l’opposition ténèbres/lumières était connue et fréquemment utilisée Ainsi les esséniens, ces communautés d’hommes israélites qui vivaient retirées dans le désert professaient que le monde était partagé entre le bien et le mal, entre les deux esprits de la lumière et des ténèbres.
Pour l’auteur de l’Epitre aux Ephésiens, la rencontre avec le Christ fait de nous des enfants de lumière.
Il est possible que ce passage ait un lien avec le baptême qui marque le passage d’une vie ancienne à une vie nouvelle.
On reconnait les enfants de lumière aux fruits qu’ils portent : bonté, justice et vérité.
Ce texte d’Ephésiens sonne à nos oreilles comme un véritable encouragement, une exhortation à accueillir Christ dans nos vies : « Vivez en enfant de lumière, discernez ce qui plait au Seigneur, ne vous associez pas aux œuvres stériles des ténèbres » peut-on en effet lire.
Ne vivons donc pas dans la crainte de témoigner de notre foi au grand jour, d’affirmer dans et hors de l’Eglise tout ce que cela change dans nos vies. Entre frères et sœurs de la communauté, il peut sembler facile d’être enfant de lumière mais cela doit aussi apparaitre dans nos familles, auprès de nos amis, dans nos univers professionnels et associatifs.
En ce temps de Carême et tandis que notre Seigneur avance vers sa Passion, repensons à ses paroles rapportées par l’évangéliste Jean : « Moi, je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans l’obscurité mais il aura la lumière de la vie. »
Et cette vie éclairée par le Christ se voit au grand jour, au vu et au su de tous. Ne nous installons pas dans un conformisme de bon aloi, un chemin rassurant et trop sécurisé. Osons apporter la lumière du Christ dans les recoins sombres de notre humanité.
Je trouve très symptomatique que les auteurs des pires crimes que notre histoire ait connus aient toujours cherché à cacher leurs méfaits, à effacer toute trace de leurs actions meurtrières.
Ainsi, les soldats nazis, au fur et à mesure de leur retraite détruisaient systématiquement les traces de charniers et des camps de concentration où ils avaient mis à mort tant d’êtres humains.
L’enseignement de l’histoire dans la Russie contemporaine fait également le choix d’une obscurité inquiétante en faisant l’impasse sur les millions d’êtres humains, morts dans les goulags, les famines organisées et les déportations de population.
La mise en lumière de ces crimes indicibles est le premier acte de reconnaissance dû aux victimes et les chrétiens qui s’engagent à l’ACAT, ou bien au sein d’associations humanitaires sont des enfants de lumière au service de la vérité.
Notre monde est dans la nuit quand il refuse de reconnaitre des faits, la réalité du mal.
Christ qui se présente lui-même comme le chemin, la vie et la vérité nous demande en permanence de parler et d’agir dans la clarté, de ne pas craindre de faire venir sa lumière sur nos zones d’ombre. Il nous dévoile ce qui est caché, occulte, bien souvent pour de mauvaises raisons.
Nous avons besoin pour cela du courage que donne la foi, de la certitude et de la conviction profonde que notre Seigneur est le roc, le socle, la fondation sur lesquels nous pouvons nous appuyer.
Faire preuve de discernement, c’est exercer son esprit-critique, tenter de faire la part des choses entre ce qui est bon, souhaitable et constructif et tout ce qui relève du mensonge, de la supercherie et des désirs obscurs.
Il n’est pas certain que le monde et les hommes aient tant changé que cela depuis le temps du christianisme primitif.
Les difficultés pour avoir une Eglise unie qui puisse dialoguer avec le monde de son époque étaient l’une des préoccupations de l’auteur de l’Epître aux Ephésiens.
Les Eglises chrétiennes aujourd’hui, malgré la démarche œcuménique et le désir de leurs membres de se rapprocher donnent encore souvent l’image de trop de divisions. Leurs messages sont parfois brouillés, inaudibles dans le brouhaha médiatique saturé d’informations.
Nos sociétés contemporaines ont toutes leurs zones d’ombre, une certaine opacité que nos responsables politiques ont parfois bien du mal à exposer et clarifier.
La mission des chrétiens de tous les temps et d’aujourd’hui est d’être des fidèles disciples qui laissent passer la lumière du Christ. Nous ne saurions nous en enorgueillir, nous sommes des serviteurs quelconques qui ne font que leur devoir, nous rappelle le Seigneur.
Jésus rappelle à Nicodème, dans son dialogue avec lui rapporté par Jean que la lumière est venue dans le monde mais que les êtres humains ont préféré l’obscurité parce qu’ils font ce qui est mal.
Etre porteur de la lumière du Christ dans la nuit du monde, cela est sans doute notre mission.
Les exégètes et spécialistes des Ecritures émettent l’hypothèse que les dernières paroles du texte de ce jour pourraient provenir de l’un des tous premiers hymnes chrétiens :
« Eveille-toi, toi qui dors ;
Lève-toi d’entre les morts
Et sur toi, le Christ resplendira »
Eveiller, se lever sont des verbes qui, en grec, évoque la résurrection.
Alors que nous approchons de Pâques dans maintenant 3 petites semaines, ne nous laissons pas enfermer dans la lassitude, les à quoi bon, ou une léthargie stérile et mortifère.
Bien sûr, nous sommes submergés de mauvaises nouvelles, tensions internationales, crise politique et sociale dans notre pays, pouvoirs autoritaires qui entendent faire plier les aspirations démocratiques de leurs citoyens.
Parfois, autour de nous, des proches sont en souffrance ; la maladie, la solitude, le deuil peuvent assombrir notre quotidien.
Pourtant l’auteur de l’Epître nous exhorte à ne pas nous enfermer dans le labyrinthe sans issue de la tristesse, des remords et du désespoir en nous disant : « Eveille-toi, lève-toi ».
Jésus nous rappelle en permanence que « Personne n’allume une lampe pour la cacher ou la mettre sous un seau » (Luc 11/33).
Alors que le ciel s’assombrit et que la perspective de la Passion sonne comme un terrible échec, Christ nous appelle en personne à être porteur de sa lumière qui va nous mener jusqu’à la victoire de Pâques.
Il a besoin de chacun de nous pour témoigner et resplendir de sa puissance dans l’Eglise et sur le monde.
Soyons porteurs de sa lumière et témoins de sa tendresse pour que resplendisse son amour sur nos jours sombres et nos nuits longues et difficiles. Il se peut que la clarté de notre regard, la simplicité de notre parole laissent transparaître sa présence et qu’elles puissent toucher notre prochain.
Amen