PREDICATION POUR LE CULTE DE LA REFORMATION DU 29 OCTOBRE 2023 A TONNEINS

Matthieu 13/ 31 à 33 et Phil. 2/1 à 4

CULTE DE LA REFORMATION DU 29 OCTOBRE 2023 A TONNEINS

Chers frères et sœurs,
Cette fête de la Réformation que nous célébrons aujourd’hui nous renvoie à un passé fondateur, au geste de Luther qui aurait placardé et affiché ses 95 thèses sur la porte de l’Eglise de Wittenberg le 31 octobre 1517.
Par ce geste et cette proclamation, celui qui était encore moine, dénonçait, entre-autre, la vente des indulgences et la croyance au purgatoire.
Appartenant à l’ordre monastique augustinien, Luther allait planter une petite graine dont les multiples branches représentent aujourd’hui le grand arbre du protestantisme.
C’est justement St Augustin, évêque d’Hippone, ville qui se trouve dans l’actuelle Algérie, qui écrivait ceci au 5ème siècle de notre ère : « La mémoire, c’est le présent du passé ».
En ce jour où nous fêtons la Réformation, cette parole simple et claire peut résonner en nous.
En effet, quel intérêt de fêter un événement vieux de plus de cinq siècles, si ce n’est de constater qu’il a encore du sens, une signification et qu’il peut nourrir et enrichir notre foi, notre désir de faire vivre et servir l’Eglise aujourd’hui.
La parabole de la graine de moutarde peut nous conduire dans notre réflexion avec l’image de la germination qui voit passer de la graine à l’arbre. Cette parabole peut illustrer la genèse du protestantisme, son développement et sa croissance, jusqu’aux nombreux fruits qu’il a porté et produit ces dernières décennies.
On peut ainsi voir dans la graine le passé, dans le processus de germination, un présent permanent et dans l’arbre un futur toujours à venir, une évolution constante qui ouvre de multiples possibilités.
Faisons le constat que la graine que Luther a semée il y a 500 ans a germé et poussé dans un terreau plus que favorable.
L’Eglise catholique dominante et toute puissante avait asséché et rendu aride la vie religieuse et ecclésiale de la chrétienté.
La Réforme a répondu à une attente, un besoin, ceux d’une population traversée par des questions existentielles et spirituelles conjuguées à des souffrances matérielles et sociales.
La justification du croyant par la foi seule, indépendamment de ses œuvres apporte un soulagement immense à une population angoissée par son salut et son futur.
Dès les débuts du protestantisme, les premiers réformateurs n’auront de cesse de proposer des traductions de la Bible dans les langues vernaculaires, ce qui va permettre à chacun de lire les Ecriture dans sa langue maternelle.
En effet, jusque-là, seuls les religieux qui utilisaient le latin, avaient accès au texte. La Parole était ainsi confisquée par les clercs.
Mais reprenons la réflexion de St Augustin qui disait, rappelons-nous que la mémoire est le présent du passé.
Notre Eglise ne cultive aucune nostalgie d’un passé révolu qu’il faudrait bien se garder d’idéaliser. Le Royaume des cieux, annoncé par Jésus et inlassablement attendu et espéré par des générations de chrétiens, n’est toujours pas de ce monde.
Commémorer la Réformation en ce 29 octobre 2023 ne doit pas nous voir envahis par des regrets sur les temps anciens qui n’étaient pas toujours meilleurs que ceux d’aujourd’hui.
Ne tombons pas nos plus dans le culte du « devoir de mémoire » très à la mode chez nos hommes politiques. On voit ainsi des cérémonies commémoratives multiples et variées fleurir un peu partout sans pour autant donner le sentiment que les leçons de l’histoire ont été retenues.
Au vu de l’actualité, oh combien douloureuse au Moyen Orient ou en Ukraine, convenons d’ailleurs que « l’histoire ne nous apprend rien », thèse défendue par de grands intellectuels comme Hegel, Paul Veyne ou Paul Valéry.
Mettre en exergue les moments glorieux du passé, qu’ils soient politiques ou religieux ne nous dispense pas d’une vigilance constante et du souci d’inventer et de réinventer génération après génération des raisons de croire et d’espérer, de s’engager dans la recherche de la paix et de la fraternité.
En choisissant la parabole de la petite graine de moutarde pour ce jour de la Réformation, on peut faire un parallèle avec une parole de Gandhi, artisan de la décolonisation de l’Inde et apôtre de la non-violence qui disait ceci : « La fin est dans les moyens comme l’arbre est dans la semence ».
Il se peut que l’arbre du protestantisme aujourd’hui, contenu dans les actes et les écrits des premiers réformateurs, demande à être taillé, élagué et entretenu avec sagesse et courage.
Pour le dire différemment , les fruits et les graines de nos Eglises issues de la Réforme en 2023, demandent à être récoltées et replantées par nous-mêmes, en fidélité à la Parole et pour l’avènement du Royaume de Dieu.
Au demeurant, l’histoire de la fête de la Réformation est fort intéressante. Alors que la date du 31 octobre fut fêtée dès le 17ème siècle par les luthériens allemands, c’est seulement en 1866 que la SHPF, société de l’histoire du protestantisme français invite l’Eglise Réformée de France à commémorer annuellement le geste de Luther. Relevons que cette fête du 31 octobre est aussi une réponse au 1er novembre, jour de la Toussaint, fêté par les catholiques.
Au 20ème siècle, la fête de la Réformation s’essouffle, dans le contexte des deux guerres mondiales franco-allemandes.
Le rapprochement luthéro-réformé et la concorde de Leuenberg que nous avons évoqués la remet au goût du jour.
Cette tension entre histoire et présent est une constante dans le protestantisme français. Elle comporte le risque de s’enfermer dans une mémoire figée qui idéaliserait le passé et risquerait de nous emprisonner dans une nostalgie stérile. L’arbre ne porterait plus de fruits, le protestantisme n’aurait plus la moindre graine à proposer.
Nous croyons au contraire que fêter la Réformation aujourd’hui en 2023, c’est être appelé à toutes les audaces, au courage intellectuel et spirituel.
Quelles sont les lourdeurs et les pesanteurs de notre société ? Où se nichent les injustices et comment les dénoncer ? Comment semer les graines de l’Evangile et de l’Espérance du Royaume annoncé par Jésus ? Sommes-nous sel et lumière pour nos contemporains ou plutôt vestiges d’une Eglise essoufflée, épuisée, à la fin programmée et annoncée ?
Il n’y a pas de réponses faciles à ces questions dans un monde désabusé qui semble accablé par les fatalités, qu’elles soient écologiques ou géo-politiques.
L’histoire de la Réforme et de ses grands artisans, Luther et Calvin en particulier nous donne quelques pistes de réflexion.
Luther, s’il reste un homme de son temps fait preuve d’un courage et d’une audace démesurée. Si les réseaux sociaux et les médias sont alors inexistants, il défie son autorité de tutelle, celle du pape et de l’Eglise catholique.
Il va utiliser le développement de l’imprimerie pour favoriser la diffusion de ses écrits et la distribution de Bibles écrites dans les langues de ses lecteurs.
Docteur en théologie, il retrempe sa foi dans une lecture rigoureuse de la Bible et s’appuyant sur elle, il actualise son message de salut en résonnance totale avec les attentes de ses contemporains.
Faire mémoire de ce 31 octobre 1517, c’est assurément, être viscéralement attaché à la liberté de conscience. Rappelons-nous que lorsque les autorités politiques ont demandé à Luther de se rétracter et d’obéir au pouvoir romain, celui-ci a répondu :
« Ma conscience est captive de la Parole de Dieu : je ne peux ni ne veux me rétracter en rien, car il n’est ni sûr, ni honnête d’agir contre sa propre conscience ».Un pasteur luthérien rappelle que « la relation à Dieu est nourrie par une lecture fréquente et sérieuse des Ecritures ainsi que par la piété. La réforme est donc mère de la liberté spirituelle, à l’opposé de tout intégrisme qui voudrait imposer aux autres ce qu’ils doivent penser et faire ».
Les héritiers de la Réforme que nous sommes doivent oser être des acteurs du dialogue œcuménique et interreligieux en ces temps troublés qui sont les nôtres.
La petite graine plantée il y a 5 siècles est devenue un arbre aux ramures imposantes. Mais un arbre aussi enraciné soit-il, reste soumis aux aléas climatiques, aux tempêtes et à la sécheresse.
Dans ces temps de replis identitaires, de crispations dogmatiques et religieuses qui peuvent parfois toucher nos Eglises, reconnaissons que la fidélité à la Réforme est plurielle ; la diversité des Eglises protestantes en témoigne.
Membres de l’EPUDF, Eglise historique, méditons à nouveau cette parole que l’on trouve au tout début de l’ouvrage de Luther, « De la liberté du chrétien », publié en 1520 :
« Le chrétien est un libre Seigneur sur toutes choses et il n’est soumis à personne. Le Chrétien est un serviteur obéissant en toutes choses et il est soumis à tout un chacun. »
Amen

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