CULTE A TONNEINS DU DIMANCHE 8 OCTOBRE 2023
Chers frères et sœurs,
Je vous propose ce matin de nous laisser interpeller à nouveau par Jésus.
« Ecoutez une autre parabole » dit-il à ses auditeurs qui se trouvent dans le temple de Jérusalem.
Le texte précédent précise qu’il s’adresse en particulier aux grands prêtres et aux anciens du peuple.
Cette parabole voit différents acteurs jouer leur rôle, s’affronter en particulier pour le travail et la possession d’une vigne.
Dans le 1er testament, la vigne représentait la prospérité et la paix pour les hébreux. Elle symbolisait plus particulièrement le peuple élu. Il était la vigne que Dieu avait arrachée à l’Egypte et planté dans le pays qu’il avait choisi.
Je ne suis pas un spécialiste de la vigne mais ce n’est un secret pour personne que sa culture demande beaucoup de compétences et de travail. La bible abonde de descriptions claires et précises sur ce sujet.
Avec la préparation qui impliquait la fabrication de terrasse à flanc de colline, on la protégeait également d’une haie d’arbustes épineux pour la mettre à l’abri des animaux et des voleurs. Le sol était creusé et rendu friable pour pouvoir y planter les jeunes ceps. On construisait à proximité une tour de garde ou une petite cabane en pierre qui servait d’abri à ceux qui la travaillaient.
Dans la parabole que Jésus nous propose, ce qui nous interroge n’est pas la vigne mais c’est le comportement des vignerons.
On peut également facilement imaginer que Jésus sous-entend que c’est Dieu qui en est le propriétaire.
Les serviteurs qu’il envoie pour profiter de la récolte sont maltraités, violentés et même tués. Cela semble être le lot de bien des prophètes d’Israël qui ont été ignorés, rejetés et pour certains condamnés à mort.
Mais dans cette parabole que l’on trouve également chez Marc et chez Luc, Jésus veut attirer l’attention de ses auditeurs, prêtres et anciens sur le contexte conflictuel qu’il vit avec eux.
En effet, le maître de la vigne envoie finalement son fils en espérant que les vignerons l’acceptent et le reçoivent dignement. Cela est peine perdue, même lui sera mis à mort.
Il est bien difficile de nous situer, de nous positionner par rapport aux différents acteurs de ce récit. Sommes-nous plutôt serviteurs du maître de la vigne et victimes innocentes ou alors vignerons cupides, incapables d’accueillir les envoyés de Dieu ?
L’histoire humaine oscille entre ombre et lumière et dans cette parabole, tel un jeu de chaises musicales, différents rôles se jouent et se succèdent.
Dieu est le propriétaire de la vigne, les vignerons incarnent les responsables religieux dont le comportement est dénoncé tandis que les prophètes et les disciples sont persécutés, le récit montant en tension jusqu’à l’assassinat du Fils qui préfigure le destin de Jésus à la croix.
Cette parabole peut faire écho à ce monde qui est le nôtre aujourd’hui entre les désirs de pouvoir et d’enrichissements des uns et la violence à l’égard des autres.
Dans un autre Evangile, celui de Jean, Jésus parlant de lui-même dit ceci : « Moi, je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron. Il enlève tout sarment qui, uni à moi, ne porte pas de fruit, mais il taille, il purifie chaque sarment, afin qu’il en porte encore plus. » (Jean 15/1et 2)
Chaque membre de notre Eglise, chaque disciple, chaque chrétien est nourri par la sève qui vient du Seigneur. Et si nous ne portons pas de fruits, peut-être nous faut-il accepter d’être travaillé et retravaillé par Dieu, par son Esprit.
Dans ce jeu de rôle, il nous arrive sans doute, tour à tour, d’être le serviteur obéissant, le vigneron jaloux et violent, la victime sur laquelle s’exerce sa colère ou le disciple zélé.
Pour accepter l’autorité du maître sur ma vie, peut-être dois-je renoncer à un contrôle absolu de ma vie et en déléguer la conduite à Dieu lui-même.
Nos élans et nos inclinations naturels nous poussent à croire que nous maîtrisons tout de nos vies. Les sociétés humaines, les communautés délèguent parfois un pouvoir de contrôle à des instances et des pouvoirs religieux ou politiques.
En nous mettant à l’école du Christ, nous ne sommes plus dans la peur d’une sanction divine et nous n’avons pas à remettre notre liberté entre des mains mal intentionnées.
Cette école et ces apprentissages ne font pas de nous des disciples et des chrétiens parfaits ou irréprochables mais cependant, ils nous permettent d’être des serviteurs authentiques et audacieux.
Ce qui est difficile à entendre pour les autorités religieuses au temps de Jésus peut aussi l’être pour nous.
Le Dieu de la révélation n’est la propriété d’aucun peuple, d’aucune caste, d’aucune nation et d’aucune Eglise.
Jésus nous rappelle que le seul critère valable pour être reconnu comme disciple est de produire du fruit, de travailler à l’édification du monde et du Royaume.
L’évangéliste Matthieu reprend une citation des Psaumes qu’il met dans la bouche de Jésus :
« La pierre que les bâtisseurs ont rejetée est devenue la pierre d’angle » (Ps.118/22 et 23).
Ce verset est l’un des plus cité dans le Nouveau Testament. Il illustre très clairement la destinée messianique du Christ.
Qui aurait parié une seule piécette sur ce petit prophète galiléen dont tous ont cru que le destin s’achevait à la croix ?
Comme ne pas faire le lien avec cette parole de Paul aux Corinthiens : « Ce qui est faible dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre ce qui est fort. » (1 Cor 1/27)
Deux exemples contemporains nous viennent à l’esprit ; ceux de l’écrivain Elie Wiesel et de Simone Veil, tous deux rescapés des camps de la mort au sortir de l’adolescence.
De leurs assassinats programmés à leur gloire quelques décennies plus tard, leurs parcours témoignent du passage de la faiblesse totale à la force et la lumière. Rappelons-nous qu’Elie Wiesel sera prix Nobel de la paix en 1986 et Simone Veil, première présidente du parlement européen en 1979.
L’Eglise universelle qui transcende toutes les confessions et dénominations chrétiennes repose elle aussi sur le paradoxe, le quiproquo difficilement acceptable et croyable, celui d’un homme exécuté comme le dernier des parias.
Dieu a en effet fait en sorte que la pierre qui avait été rejetée comme un vulgaire caillou, devienne la pierre de fondation, certains évoquent la clé de voute de l’édifice, de l’Eglise et du monde.
Un de mes professeurs de théologie de la faculté de Montpellier disait avec humour mais sérieux qu’adopter le symbole et le signe de la croix reviendrait, si le Christ revivait sa passion aujourd’hui, à s’incliner devant une chaise électrique ou bien une potence.
On a bien du mal en 2023, à imaginer combien le supplice de la croix était à la fois scandaleux et infamant à l’époque de l’empire Romain.
Matthieu l’évangéliste nous présente Jésus comme accomplissant les Ecritures en acceptant d’être rejeté, d’être le rebut, d’être cette pierre rejetée par les bâtisseurs.
Ce verset si souvent cité et repris dans la Bible nous oblige à nous questionner : ne nous est-il pas déjà arrivé de négliger ou repousser une personne qui nous semblait inintéressante, d’ignorer un appel à l’aide, parce que trop occupé, d’être sourd à une sollicitation parce que non disponible ?
Devant le visage d’un condamné, d’un exclu, sous les apparences d’un affamé, d’un étranger, d’un migrant, saurons-nous y déceler une promesse de salut, une puissance de vie qui va déplacer des montagnes ?
A ces religieux trop surs d’eux, Jésus propose une vérité simple : ce n’est ni une observance stricte de la loi, ni une pratique religieuse scrupuleuse qui les sauvera. Le Dieu de la révélation se tourne dorénavant vers tous les peuples de la terre et son Fils devient l’artisan, la pierre angulaire de cette ouverture au monde.
Le règne de Dieu est désormais confié à ceux qui produisent des fruits.
C’est sûr de cette assurance et de cette confiance en un Dieu qui nous appelle à entrer dans son Royaume que nous pouvons rejoindre la communauté des disciples, telles des pierres vivantes, qui reposent sur la pierre angulaire.
Amen