PREDICATION POUR LE CULTE A NERAC DU 24 JUIN 2023

Matthieu 10/16 à 18a et 26 à 33

CULTE A NERAC DU 24 JUIN 2023

Chers frères et sœurs,

De qui aurions-nous peur alors que nous avons fait le choix d’être membre d’une Eglise dont la tête, le seul chef est le Christ Lui-même ?

Dans ce passage de Matthieu que les spécialistes et commentateurs ont appelé le discours missionnaire de Jésus, car il s’adresse aux disciples qu’il va envoyer en mission, les « ne craignez-pas », « n’ayez donc pas peur » reviennent un peu comme des mantras, ces formules sacrées dans le bouddhisme ou l’hindouisme qui sont sensées avoir un pouvoir magique.

Mais chez Jésus, ces paroles rassurantes n’ont pas de caractères magiques ou extraordinaires. Elles sont plutôt destinées à exhorter les disciples à agir dans un monde où ils ne sont et ne seront pas toujours les bienvenus, où la fidélité au Dieu de l’alliance va trouver son accomplissement en son Fils, ce rabbi étonnant qui va rapidement déplacer les foules.

Sans tomber dans une diabolisation du monde reconnaissons qu’être chrétiens au cours des siècles et encore aujourd’hui dans bien des pays, c’est s’exposer à des pressions, des dangers ou pour le moins à des critiques parfois féroces.

C’est peut-être pour cela que le maître conseille à ses disciples d’être prudents comme les serpents et purs comme les colombes.

Remarquons avec humour que cela fait beaucoup d’animaux en un verset : les moutons, les loups, les serpents et les colombes. Mais relevons également que ces métaphores animalières sont rentrées dans le langage courant.

Ne parle-t-on pas de moutons de Panurge, de hordes de loups quand des armées sauvages dévastent un pays, de serpents à la fois prudents et cruels pour des tueurs en série, ou de colombes pour des artisans de paix comme le furent en leur temps Sadate et Begin ou plus tard Arafat et Rabin au Moyen-Orient.

Jésus emploie ces images à dessein et elles illustrent parfaitement ses propos.

Les premières communautés chrétiennes connaitront la persécution et l’histoire est jalonnée de tragédies dans lesquelles le sens premier du mot martyr, témoin, fut oublié pour signifier victimes de crimes et de souffrances indicibles.

Alors que l’ACAT organise comme tous les ans la Nuit des Veilleurs, car le 26 juin, comme vous le savez peut-être, a été déclaré par l’ONU, journée internationale de soutien aux victimes de la torture, les propos de Jésus paraissent être d’une actualité criante : « Certains vous livreront aux tribunaux, ils vous frapperont à coups de fouet dans leurs synagogues. Vous serez conduits devant des gouverneurs et des rois à cause de moi. »

Cela n’augure pas de jours faciles pour les disciples de Jésus mais également pour une longue lignée d’hommes et de femmes épris de liberté et de fraternité.

« Ne craignez pas ces gens-là » répète trois fois le Seigneur.

Pour nous chrétiens et membres de l’Eglise protestante unie de France, si le temps des persécutions est bien heureusement lointain, faisons cependant le constat qu’il nous faut bien souvent du courage pour témoigner de notre foi, de nos pratiques et nos engagements dans une société ou les religions ont bien du mal à trouver leur place.

Les règles d’une laïcité mal comprise et maladroitement interprétée nous poussent souvent à compartimenter notre vie : vie sociale, vie professionnelle, vie citoyenne et familiale et enfin vie spirituelle et religieuse. Des cloisons parfois étanches nous bloquent dans l’expression de notre foi hors du cadre ecclésial.

Pourtant, les paroles de Jésus que nous avons écoutées tout à l’heure devraient nous libérer : « Tout ce qui est caché sera découvert et ce qui est secret sera connu. Ce que je vous dis dans l’obscurité, répétez-le à la lumière du jour et ce que l’on chuchote à votre oreille, criez-le du haut des toits ».

Nous pouvons légitimement nous questionner : le message de notre Eglise est-il écouté hors les murs du temple ? Est-il audible pour nos amis, nos proches qui ne partagent pas forcément notre foi ? Relevons que la parole des grandes religions institutionnelles est cependant consultée sur des sujets éthiques, voir politiques comme ce fut le cas en Nouvelle Calédonie lors des accords de Nouméa dans les années 80.

Entre fidélité au message évangélique et nécessaire adaptation au monde contemporain, faisons le pari d’une voie moyenne que pourront à la fois emprunter les membres de nos communautés mais également ceux qui cheminent hors de l’Eglise.

« N’ayons crainte de rien » nous lance à nouveau Jésus-Christ aujourd’hui.

Nos Eglise vieillissantes, usées, fatiguées n’ont pas dit leur dernier mot. Elles ont connu bien des crises au cours des décennies écoulées mais contre vents et ma rées, elles affirment la Seigneurie de Jésus-Christ et que cela change des vies.

Ne craignons pas de nous y engager et de les servir. Notre théologie protestante affirme le principe du sacerdoce universel qui, vous le savez, stipule qu’il n’y a pas de différences d’état ni de fond entre pasteurs et laïcs. Tous ont la même place, la même importance dans l’Eglise.

C’est donc en plein jour et du haut de nos toits que nous pouvons tous échanger, partager et témoigner de la Bonne Nouvelle.

Dietrich Bonhoeffer, pasteur allemand célèbre qui paya de sa vie son opposition à Hitler écrivait : « Quiconque craint encore les hommes, ne craint pas Dieu ». Il n’est pas facile de ne plus être dans la peur de l’autre, de mon prochain, peur du jugement, peur du qu’en dira-t-on, peur d’une sentence lapidaire qui condamne et qui enferme.

Jésus nous rappelle fort à propos qu’il y a une mauvaise crainte, celle des hommes et une bonne, celle de Dieu. La crainte de Dieu produit en effet la sagesse peut-on lire à plusieurs reprises dans le premier testament. Parfois les deux s’entremêlent, nous laissant un goût amer et un état de désespoir permanent.

Avec Christ, nous découvrons que la crainte de Dieu se mue en adoration et en louange pour ce Père qui envoie son fils partager notre condition.

C’est dans l’action et la prière que nous pouvons vaincre nos immobilismes et nos paralysies. Nous avons pour cela un défenseur, un soutien inébranlable en la personne du Christ :

« Celui qui se déclare publiquement pour moi, je me déclarerai aussi pour lui devant mon Père qui est dans les cieux ».

Il nous est tous probablement déjà arrivés de manquer une occasion de témoigner de notre foi en Christ. Nous avons alors senti comme un regret après cette opportunité que nous n’avions pas saisi, cette occasion manquée. Ni Christ, ni le Père ne nous accablent.

Pierre lui-même, le premier des disciples va renier son maître lors de son jugement. La peur des hommes le guide à ce moment précis et pourtant Jésus va lui pardonner.

Alors qu’en ce jour de fête d’Eglise, au tout début de l’été, nous nous préparons pour certains à un temps de vacances, de voyages ou de retrouvailles familiales, ne manquons les occasions qui vont se présenter de témoigner publiquement de notre foi ; il y a tant de récits bibliques, prophétiques où celles et ceux qui sont appelés par Dieu se sentent totalement indignes de cet appel. Pensons à la vocation de Gédéon que l’on découvre dans le livre des Juges ; « Va avec cette force que tu as… » (Jge 6/14) dit Dieu.

Et si nous faisions de ce verset, de cette phrase notre leitmotiv, notre refrain, notre mantra pour cet été !!

Jésus nous l’affirme et le répète ; nous n’avons rien à craindre à témoigner de notre foi. Certes il annonce des temps de persécution pour ses disciples mais pour nous aujourd’hui, pas d’efforts surhumains, d’exploits spirituels ou théologiques : « Allons avec cette force qu’il nous donne ».

La lourde actualité qui est la nôtre ne saurait nous écraser ou nous rendre muet. Christ a des choses à dire dans et sur le monde et c’est par nos bouches qu’il parle, nos mains qu’il agit.

Les entraides, la Cimade, le tissu associatif et caritatif sont autant de supports et de vecteurs de son action dans le monde et la société.

Notre Eglise devrait être en première ligne pour manifester son soutien aux plus précaires, aux migrants pour dénoncer également des dérives idéologiques et identitaires qui voient des mains et des cœurs se replier et se fermer sur eux-mêmes.

Au gré des rencontres que nous allons vivre, dans les moments de ressourcement légitimes qui nous attendent ou au milieu des cris de joie des enfants, soyons sel et lumière pour donner de la saveur à tous ces moments de partage.

Il se peut qu’au hasard d’un échange, subrepticement, une parole nous échappe et qu’elle fasse éclore en notre vis-à-vis une question, un chamboulement qui, telle une graine semée va germer, croître et produire du fruit.

« Ne craignez donc pas, n’ayez pas peur » nous dit le Seigneur et il rajoute : « Va avec la force que tu as »

Amen

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