PREDICATION POUR LE CULTE A MARMANDE DU DIMANCHE 19 FEVRIER 2023

PREDICATION POUR LE CULTE A MARMANDE

1 Cor.3/16 à 23 et Mat. 5/38 à 48

Chers amis,

Nous continuons, dimanche après dimanche de découvrir les enseignements de Jésus dans ce long discours sur la montagne rapporté par l’évangéliste Matthieu.

Dans ce passage, Jésus interpelle ses disciples sur des thématiques et des sujets qui n’ont rien perdu de leur actualité.

A deux reprises, comme un refrain insistant, viennent ces phrases du maître :

« Vous avez appris qu’il a été dit… et moi je vous dis :.. »

Jésus nous apostrophe sur ce qu’il y a de plus profond, et bien souvent de plus naturel en nous, le désir de vengeance, celui d’appliquer la justice de façon implacable, l’envie de répondre à la violence subie par une violence que l’on inflige le plus souvent sous le coup de la colère.

On ne peut qu’être frappée par la radicalité de ses propos. La loi du talion, œil pour œil, dent pour dent, aussi barbare nous apparait-elle était cependant un progrès dans la culture du Proche orient au temps du royaume d’Israël. Les règlements et lois rapportés dans le livre du Lévitique avaient pour but de mettre un frein, une limite aux cycles de vengeance qui pouvaient mettre en péril l’équilibre même de la société. On dit en effet que bien souvent la vengeance est aveugle. Elle contient un potentiel de violence qui peut croître très vite de façon exponentielle.

Nous connaissons tous des faits divers ou bien des incidents mineurs en apparence qui ont dégénéré en conflits majeurs, en guerre meurtrière. L’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, héritier de l’empire austro-hongrois en juin 1914 en est un exemple puisqu’il va évoluer très vite vers une guerre mondialisée qui fera des millions de morts.

La diplomatie en échec et le sinistre jeux des alliances militaires débouchent trop souvent sur des tragédies.

Sur un plan plus personnel et individuel, suivre Jésus sur le chemin du pardon inconditionnel et de l’amour du prochain intégral reste un chemin difficile, ardu et délicat.

« Moi, je vous dis de ne pas résister au méchant… Si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre. » L’exigence du maître vis-à-vis de ses disciples semble insurmontable, inatteignable.

« Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent. » Jésus ne nous entraine-t-il pas sur un chemin périlleux qui nous expose inutilement ?

Je crois que c’est tout le contraire. Si la loi du talion est déjà un progrès à son époque, il la rend caduc, inopérante en prônant une justice qui repose sur l’amour et plus particulièrement sur le deuxième commandement : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

Dans les paroles de Jésus, le prochain n’est pas celui qui me ressemble, celui ou celle qui me témoigne de l’affection. « Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense allez-vous en avoir ? » demande-t-il. Non, le prochain est celui qui me veux du mal, celui qui me fait souffrir.

Un moine russe du mont Athos, le moine Silouane écrit à propos de ces paroles de Jésus, ceci :

« Il y a des hommes qui souhaitent la damnation et les tourments dans le feu de l’enfer à leurs ennemis ou aux ennemis de l’Eglise. Ils pensent ainsi, parce qu’ils n’ont pas appris du Saint-Esprit à aimer Dieu. Celui qui l’a appris verse des larmes pour le monde entier.

Je vous en supplie, faites un essai ! » rajoute-t-il. « Si quelqu’un vous offense ou vous méprise, ou vous arrache ce qui vous appartient, ou persécute l’Eglise, priez le Seigneur en disant : ‘Seigneur, nous sommes tous tes créatures ; ai pitié de tes serviteurs et tourne-les vers le repentir’. Alors tu porteras perceptiblement la grâce dans ton âme. Au commencement, force ton cœur à aimer tes ennemis, alors le Seigneur, voyant ta bonne intention, t’aidera en tout, et l’expérience elle-même t’instruira. Quand tu prieras pour tes ennemis, la paix viendra sur toi. »

Ces propos d’un homme qui vécut au XXème siècle actualisent les paroles de Jésus et leurs donnent du sens aujourd’hui. Nous savons que la violence appelle la violence et que semer la haine nous fait récolter des tempêtes.

Jésus, notre Messie, demande à ses disciples de désamorcer ces engrenages diaboliques qui peuvent mener au chaos et à la destruction.

La prière du Seigneur, ses suppliques à aimer nos ennemis peuvent nous apparaitre comme des objectifs hors de notre portée.

Mais avons-nous vraiment d’autres alternatives que de le suivre sur ce chemin de pardon et réconciliation ?

A l’origine de bien des maux, il y a l’orgueil, la jalousie, un désir profond d’être aimé et reconnu.

Le premier meurtre relaté dans le livre de la Genèse est celui que commet Caïn contre son frère Abel. L’homme porte en lui une violence qui peut jaillir en maintes circonstances. Mais Jésus vient s’interposer entre un ennemi potentiel et moi-même. Prier pour nos ennemis n’est pas un exercice facile. Ne pas céder à la colère, ne pas se laisser envahir par l’envie de faire du mal à celui qui me fait souffrir n’a rien d’évident.

Pourtant, les exemples abondent de victoires, sociales, morales, politiques, qui ont été obtenues sans effusion de sang.

Face à un pays gangréné par le racisme et la ségrégation, le pasteur Martin Luther King a ainsi fait un choix irrévocable, celui de la non-violence active. Il écrit ceci : « A nos adversaires les plus farouches, nous déclarons : à votre capacité d’infliger la souffrance, nous opposerons notre capacité d’endurer la souffrance. A votre force physique, nous répondrons par la force de nos âmes. Faites-nous ce que vous voudrez et nous continuerons à vous aimer… Jetez-nous en prison et nous vous aimerons encore. Envoyez à minuit dans nos communautés vos cagoulards perpétrer la violence et nous laisser demi-morts, et nous vous conduirons à l’épuisement par nos capacités à souffrir. Un jour nous gagnerons la liberté mais pas pour nous seuls. Nous lancerons à vos cœurs et à vos consciences un tel appel que nous vous aurons gagné en chemin et que notre victoire sera une double victoire. »

Martin Luther King suggère dans son propos qu’il n’y a pas d’humiliations, pas de perdants dans un conflit où la victime fait le choix d’aimer son agresseur. Ce dernier découvre que sa violence est inopérante. Vous connaissez cette expression : « Son attitude et ses paroles ont été totalement désarmantes… ». C’est exactement vers cela que nous mène Jésus ; l’amour pour nos ennemis les désarme.

En s’adressant aux habitants de Corinthe, Paul évoque la sagesse du point de vue du monde. Cette sagesse qui consisterait à suivre scrupuleusement la loi en l’appliquant de façon ferme et déterminée, cette sagesse qui aurait pour conséquence de répondre avec autorité et force aux multiples agressions, cette sagesse, nous dit-il est pure folie aux yeux de Dieu.

La vraie, la seule sagesse est celle du Christ, qui consiste à ne pas rentrer dans les rapports de force car dans ce domaine, l’on trouve toujours plus fort que soi.

L’appel à aimer nos ennemis semble être une vraie folie, à vue humaine. Cela nous demande une discipline des tous les instants tant nos reflexes et notre comportement nous ont habitué à réagir avec vivacité, voir brutalité à la moindre violence.

Mais le Seigneur nous le dit clairement : « Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense allez-vous en avoir ? Si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? »

La puissance de vie et de pardon contenue dans l’amour inconditionnel du prochain prend tout son sens quand j’aime par-delà mon univers sécurisé, quand je suis capable d’aimer celui qui me veut du mal.

Cet amour n’est ni naturel, ni spontané. Il se prépare et se construit dans la prière, sans calcul et tout à fait gratuitement. Nous ne pouvons nous passer de la présence du Christ pour le réaliser. Nos faibles forces ne nous permettent pas le plus souvent de faire taire la colère, de dominer nos pulsions violentes.

En requérant son aide, Jésus nous donne la force d’aimer tous les humains et de combattre nos ennemis intérieurs.

Le maître nous rappelle fort justement que Dieu le Père fait « lever son soleil sur les méchants et sur les bons et tomber la pluie sur les justes et les injustes ». Il faut comprendre ce verset comme un refus de Dieu de participer à toute forme d’exclusion et de discrimination.

Il n’y a pas une division du monde entre ceux qui seraient réprouvés et les sauvés, entre les pécheurs et les élus.

L’amour des ennemis, le désir de paix et de concorde sont les conditions nécessaires et indispensables à réunir avant de pouvoir envisager un avenir possible pour notre humanité si douloureusement pécheresse.

La perfection à laquelle nous appelle Jésus est une quête quotidienne qui se construit dans la prière et se traduit par des gestes simples d’amitié et de fraternité.

Osons aimer nos ennemis, prenons le risque de suivre Jésus sur les chemins escarpés de l’amour fou. Cette folie pour beaucoup d’hommes est sagesse pour Dieu.

Amen

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