PREDICATION POUR LE CULTE A MARMANDE DU 1ER OCTOBRE 2023.

Epître aux Philippiens 2/ 1 à 11.

CULTE A MARMANDE DU 1ER OCTOBRE 2023

Chers frères et sœurs,
Le passage de ce jour contient un hymne célèbre qui a très probablement été chanté et proclamé par les 1ères communautés chrétiennes.
Lorsque Paul écrit cette lettre, il est en prison à Ephese et il cherche à recentrer la toute jeune Eglise de Philippe sur le Christ.
Il nous présente le Fils de Dieu comme l’exemple suprême d’abaissement et d’humilité, un exemple qu’il nous est demandé de suivre, tout en sachant, que nous ne pourrons qu’en être un pâle reflet.
Car en effet, Paul l’écrit ainsi : « Jésus-Christ possédait depuis toujours la condition divine ». Le terme grec qui est traduit par condition est « morphé » qui a donné morphologie. Ce terme peut également être traduit par essence, forme d’existence, identité profonde et réelle mais cachée. Il s’oppose à l’aspect ou à la silhouette.
Paul rappelle que vivre l’union avec le Christ ouvre un chemin d’humilité. Penchons-nous un peu sur ce mot que nous avons bien souvent du mal à comprendre et à interpréter. Sa définition est la suivante : « Sentiment de sa faiblesse, de son insuffisance qui pousse une personne à s’abaisser volontairement en réprimant tout mouvement d’orgueil ».
Reconnaissons que l’humilité n’est pas état et une attitude naturelle et que tout pousse dans notre société à s’en éloigner et à la fuir.
Dans l’antiquité et en particulier dans le monde gréco-romain, cette vertu était bien souvent méprisée.
Le Christ en gloire, souverain et maître de tout, que le catholicisme byzantin puis l’orthodoxie appelaient le Christ Pantocrator est une représentation très humaine de ces désirs de puissance et de cette volonté d’avoir un Dieu qui incarne la force et une autorité écrasante.
Cette vision et cette représentation viennent littéralement se fracasser sur la réalité de ce Christ qui lui, a choisi délibérément, la voie de la non-puissance et de l’humilité, et selon certaines traductions de l’abaissement et de la soumission.
Quels messages et quels signes ce Christ humble et obéissant jusqu’à la croix, ce serviteur souffrant qu’évoque Esaïe (Es. 53) donnent-t-ils au monde aujourd’hui ?
Nos Eglises qui ont parfois tragiquement mêlé autorités et pouvoirs temporels et autorités et pouvoirs spirituels, sont-elles en mesure de se faire le porte-parole d’un Seigneur qui s’est fait tout à tous et serviteur des plus petits ?
Le théologien Elian Cuvillier écrit que « Paul exprime au moyen du langage mythico-poétique le mystère du salut dans ce qu’il contient d’absurde et de scandaleux pour la raison humaine : le Crucifié est celui qui, existant auprès de Dieu, s’est dépouillé de sa condition divine pour habiter jusqu’au bout la condition humaine ».
Alors que toutes les valeurs de la société nous poussent et nous stimulent vers plus d’enrichissement, d’ascension sociale et de reconnaissance, suivre Christ, c’est faire, en conscience, un chemin inverse, celui du dépouillement, du détachement et du service désintéressé.
Peut-être pouvons-nous nous tourner vers des disciples qui ont fait leurs les paroles du Christ. Ainsi le pasteur John Bost qui créa ce que l’on appelait alors les asiles de la Force en Dordogne avait pour devise : « Ceux que tous repoussent, je les accueillerai au nom de mon Maître. C’est ainsi plus de 1500 personnes en situation de handicap qui sont aujourd’hui résidentes à la fondation John Bost.
Dietrich Bonhoeffer, jeune pasteur allemand va être le symbole d’un protestantisme impliqué et résistant dans une Allemagne qui bascule progressivement dans le nazisme.
Promis à une carrière universitaire et théologique brillante, il fait le choix de rester dans son pays et de s’opposer clairement à Hitler et son régime. Il témoigne par le sacrifice de sa vie de sa foi en ce Christ qui s’abaisse.
Dans un contexte bien moins tragique, nous pouvons nous aussi méditer les paroles de cet hymne, vieux de 2000 ans qui nous voit confesser le mystère d’un Seigneur vivant auprès de Dieu et d’un Christ incarné, pleinement humain.
Dans cet hymne, après l’abaissement de Jésus jusqu’au supplice de la croix, Paul nous fait découvrir les conséquences de son sacrifice et l’attitude de Dieu.
La logique divine ne fonctionne pas comme les logiques humaines. Jésus dit à plusieurs reprises qu’aux yeux de Dieu, les hiérarchies et les ordres sociaux et culturels sont totalement remis en cause : « Les premiers seront les derniers et les derniers premiers » dit le Messie.
Pour autant, l’abaissement du Christ à la croix, le don de sa vie dans ce supplice infamant ne doit pas être considéré comme un appel à la souffrance ou une recherche de dolorisme.
Le théologien protestant suisse Henry Mottu écrit que « la croix n’est pas un assassinat politique ou le résultat d’un caprice sado-masochiste du divin »
Si Paul ne refuse pas d’affronter la dureté du réel, les persécutions, s’il ne prétend pas que la fragilité mène automatiquement vers Dieu, il sous-entend qu’il s’agit pour nous disciples, de se donner les moyens pour que notre faiblesse finisse par mettre à genoux la puissance.
Le vieil hymne chrétien que Paul insère dans sa lettre expose la profondeur des liens qui unissent Dieu à son Fils bien-aimé, Jésus-Christ.
La conduite et l’obéissance de ce Fils amène Dieu à lui accorder la plus haute place, à lui donner le nom supérieur à tout autre nom.
Si ce texte ne fait pas l’apologie de la faiblesse, Paul écrira que Dieu a choisi ce qui est faible dans le monde pour couvrir de honte les forts (1Cor1/27) et il rappelle également que c’est quand je suis faible que je suis fort (2 Cor. 12/10).
Ce paradoxe mis en évidence par Jésus peut heurter et semble s’opposer à toutes les habitudes humaines.
N’y voyons pas le culte de la « toute faiblesse » mais plutôt la possibilité pour les disciples que nous sommes de témoigner d’un Christ qui retourne toutes les situations, qui nous sort de toutes les impasses et qui éclaire notre chemin dans les sombres labyrinthes de la vie.
Suivre ce Seigneur dont la conduite est humble et qui est caractérisée par l’infinie faiblesse du crucifié nous libère de bien des contingences humaines.
L’histoire des hommes, des Eglises chrétiennes et des peuples montre bien souvent un contre-témoignage et un grand décalage avec le message des Evangiles et des écrits pauliniens.
Pourtant, la soumission à l’autorité du Christ, telle que Dieu la veut, peut être vécue comme une véritable libération par rapport à tous les pouvoirs de ce monde.
Le disciple ne fuit pas ses responsabilités dans la société, dans son travail, dans sa vie professionnelle et familiale mais ne rendant des comptes qu’au Dieu de Jésus-Christ, il se libère de toutes les pesanteurs et tutelles de ce monde.
Délivré d’une fausse humilité qui nous ferait dire « je n’en suis pas digne ou pas capable », le serviteur se décentre de lui-même pour se centrer sur son Seigneur Jésus-Christ ; il peut alors se consacrer au service des autres et du prochain.
Dans notre Eglise, dans le tissu associatif, l’entraide, la solidarité, le combat pour la justice et les droits humains, mettre Christ au centre et à l’origine de nos engagements nous permet d’éviter toute tentation de suffisance ou d’orgueil.
On n’est parfois surpris et frappé de découvrir, à travers des récits ou des témoignages, les élans de liberté et de courage que donne la foi en Christ.
Je me rappelle avoir entendu les propos suivants dans la bouche d’une amie chrétienne : « Je n’ai peur de rien ni de personne. Je n’ai de compte à rendre qu’à Dieu ».
Dans ce célèbre hymne, Paul rappelle que Dieu a voulu qu’au nom de Jésus, tous les êtres, dans les cieux, sur la terre et sous la terre se mettent à genoux. (Ph.2/10)
Des grandes figures comme l’abbé Pierre, comme Desmond Tutu, l’archevêque anglican d’Afrique du Sud ou comme le pasteur et médecin congolais, Denis Mukwege, donnent chacun dans leurs combats et leurs engagements l’image de chrétiens qui ne s’agenouillent pas devant les puissances de de ce monde mais seulement devant leur maître et Seigneur.
Face à la pauvreté et à la précarité, le racisme institutionnalisé sous le régime de l’apartheid ou la violence à l’égard des plus faibles et des femmes en RDC, ces trois témoins chrétiens ont fait le choix de la lutte pour la dignité et la liberté.
Dans notre quotidien, confessons et reconnaissons avec eux et avec l’apôtre Paul que :
« Le Seigneur, c’est Jésus-Christ, pour la gloire de Dieu le Père ».
Amen

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