Appel à vigilance

Compte-rendu de la présentation de l'appel à vigilance de Gabriel Nissim

Compte-rendu

C’est à la suite d’un vœu d’une région de l’ACAT que la commission « Sensibiliser les églises » s’est mise à réfléchir sur un certain nombre d’évolutions actuelles qui représentent un danger pour la qualité humaine de nos sociétés.

Il se trouve également que depuis plusieurs années, une autre commission de l’ACAT, « Réflexions sur la torture » avait déjà travaillé sur l’acceptabilité croissante de la torture et de la peine de mort
dans le climat social actuel, comme l’avait révélé le sondage que l’ACAT avait fait effectuer en 2015 sur cette question.

Et c’est l’axe central du dernier rapport « Un monde tortionnaire » paru en juin 2021.

Le CODI a décidé d’émettre cet appel à vigilance adressé à nos  églises, et au-delà, à notre société,

et cela, parce que, nous, à l’ACAT, sommes particulièrement bien placés pour mesurer les effets négatifs de ce climat social à partir de notre point de vue sur la torture et la peine de mort.
Cela nous fait constater que tous ces traitements cruels, inhumains, dégradants posent de moins en moins de problèmes, sont de plus en plus tolérés et même considérés par beaucoup comme nécessaires : cela ne peut pas ne pas nous alerter sur cette mentalité croissante et sur les dangers globaux qu’elle recèle, bien au-delà du seul cas de la torture, quant à l’ensemble de notre façon de vivre et de construire notre société.

Nous constatons autour de nous des refus, des positions complètement opposées aux nôtres à l’ACAT et nous ne pourrons obtenir davantage d’adhésions à notre combat que si l’ensemble du climat change.
Cela d’autant plus qu’un certain nombre de personnalités politiques n’hésitent pas à jouer sur cette mentalité, sur les peurs, pour proposer une société de plus en plus égoïste où la liberté, l’égalité et la fraternité sont approuvées, mais pour nous, pas pour les autres.

Nous constatons que ce modèle social qu’ils nous proposent et que beaucoup de gens approuvent
est exactement à l’opposé de ce royaume de Dieu que le Christ nous invite à vivre et qu’il est venu essayer de semer parmi nous pour le faire grandir.

Trois points

Voir quelles sont ces tendances croissantes et leur lien avec l’acceptabilité de la torture et de la peine de mort, (1 et 2), puis insister sur notre responsabilité prophétique en tant que chrétiens. (3)

Article premier de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme :

Il est significatif de constater que l’on cite fréquemment la première phrase de cet article :
« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits », mais pratiquement jamais la deuxième phrase : « Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »

Nous sommes de plus en plus conscients de nos droits, de mes droits à moi, en oubliant la responsabilité et le devoir que cela entraîne les uns envers les autres dans cet esprit de fraternité.

Une des raisons principale de ce mouvement d’individualisme croissant exacerbé vient des disparités socio-économiques croissantes. Les droits civiques et politiques sont une chose, mais ce n’est pas suffisant pour le quotidien de la vie des gens ; les droits économiques, sociaux et culturels sont structurels.

La consommation est devenue la préoccupation quotidienne de beaucoup de gens, surtout dans une société qui est devenue de plus en plus une société de consommation (et la préoccupation de pouvoir offrir quelque chose à ses enfants et petits-enfants). Les inégalités sont devenues de plus en plus criantes et créent une profonde frustration.

La première cause profonde de ce qui se passe aujourd’hui, cet hyper-individualisme, c’est cette société d’injustice et d’hyper-consommation. Cela provoque un sentiment d’injustice.

Mais il y a aussi un sentiment fort d’insécurité lié au contexte actuel de la mondialisation, les migrations et l’insécurité que cela entraîne, au moins psychologiquement. Nos villes sont multiethniques, multireligieuses, multiculturelles, et beaucoup de ces étrangers, nous dit-on, sont des terroristes en puissance, on nous le répète tous les jours.

Insécurité, peur, l’ennemi potentiel est là, tout près. Face à cette peur, il y a un besoin croissant de sécurité, de murs de protection.

Cette mondialisation, source d’insécurité est aussi renforcée par internet et les réseaux sociaux. Sur Internet, très souvent, on cherche à rencontrer notre lointain semblable plutôt que notre prochain différent. Il y a une nécessité urgente à l’humaniser, à apprendre à s’en servir humainement. C’est très souvent un lieu de violence, de déshumanisation. C’est comme si les barrières avaient sauté, dans un climat général d’affirmation de soi.

Cependant, cette réalité humaine d’hostilité à l’égard de « l’autre », on la trouve à toutes les époques et c’est tout l’enjeu des structures sociales, politiques que d’arriver à les encadrer de façon à permettre une vie sociale organisée avec un minimum de justice, d’équité et de solidarité.

Marc Crépon (dans le rapport de l’ACAT sur la torture dans le monde) parle du plaisir/désir
de meurtre en chacun de nous, dans notre nature humaine. Pour nous y faire renoncer, il faut
offrir des compensations, et c’est tout le travail de la société.
Si la société ne l’offre pas, il suffit d’un rien pour que l’appel à la violence reprenne tous ses droits.

C’est ce qui s’est passé avec les gilets jaunes. Beaucoup de gens sont venus manifester pacifiquement avec les gilets jaunes. Mais parce qu’il y avait un certain nombre de casseurs qui étaient venus délibérément pour la violence, un certain nombre de gens se sont laissés entrainer
et ont pris plaisir à casser, alors qu’ils n’étaient pas venus dans cet esprit-là.

Montée actuelle des néo-populismes :

Ils sont dus d’un côté dans les classes populaires à un sentiment profond d’injustice des gens qui se sentent laissés sur le bord du quai pendant que le train passe, exclus, alors que les générations précédentes avaient, elles au contraire, connu une certaine ascension sociale. Ceux qui votaient, dans les années 60, 70 pour le parti communiste ou l’extrême gauche, votent aujourd’hui FN/RN.

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